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La méthanisation dans le Haut-Rhin

Présentation technique faite lors de la réunion du Comité Syndical du SMRA68 le 5 novembre 2024

La méthanisation est un procédé de traitement biologique des déchets organiques. Son but premier : produire du biogaz. Les projets de méthanisation s’inscrivent dans les objectifs fixés par la Loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte. La part de gaz d’origine renouvelable y est fixée à 10 %, en 2030.
En parallèle, depuis le 1er janvier 2024, la Loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire impose la collecte sélective des biodéchets aux collectivités comme aux professionnels . La méthanisation constitue une voie de valorisation de ces biodéchets.

Les process de méthanisation

Plusieurs techniques existent, en fonction de la teneur en eau des intrants (voie humide / voie sèche) et de la température de travail (procédé mésophile entre 35 et 40 °C / procédé thermophile à environ 55°C).

La méthanisation est un procédé naturel de transformation de matières organiques, d’origines agricole, urbaine ou industrielle, réalisé par des micro-organismes, en absence d’oxygène (anaérobiose). Le principe de base est de fournir une ration stable au méthaniseur pour éviter de perturber les bactéries. Le temps de séjour y est de plusieurs dizaines de jours. Une partie de la biomasse est transformée en molécules simples (sucres, acides gras…) par hydrolyse, puis, lors de 3 étapes successives :

  • en alcool et acides gras volatiles, par acidogénèse,
  • en acide acétique, par acétogénèse,
  • en méthane et de dioxyde de carbone, par méthanogénèse.
Méthaniseur de Gommersdorf

Ce procédé, dont le principe est simple, nécessite cependant des installations de haute technicité.
En amont de la fermentation, des prétraitements (déconditionnement, hygiénisation) peuvent être nécessaires, selon l’origine et la nature des matières premières.
En aval, un post digesteur est souvent mis en place. Il permet de récupérer 5 à 15 % de biogaz supplémentaire.
Le biogaz produit contient de 50 à 70 % de méthane (CH4) et 20 à 50 % de gaz carbonique (CO2) et d’autres gaz à l’état de traces (S02, par exemple).

Il existe deux manières d’utiliser ce biogaz :

  • La cogénération :  le biogaz alimente un moteur entrainant une génératrice qui produit de l’électricité redistribuée sur le réseau public. En tournant, cette génératrice produit également de la chaleur qui peut être valorisée dans un réseau, augmentant ainsi le rendement de l’installation.
  • L’injection de biométhane sur le réseau de gaz de ville. Une étape de purification préalable du biogaz (élimination du COet des gaz traces) et une odorisation sont alors nécessaires. Ce biométhane purifié peut également être transformé en carburant pour véhicules, le bioGNV.

Une torchère sécurise l’installation, quel que soit le mode valorisation du biogaz.

Le digestat est le produit résiduel issu de la fermentation. Son passage dans un post digesteur permet de le stabiliser et d’accroître la capacité de stockage de chaque unité de méthanisation.
La production de digestat est journalière et son utilisation comme fertilisant sur les terres agricoles est saisonnière. Ainsi, un minimum de 7 à 8 mois de stockage est nécessaire en Alsace. Le digestat brut peut faire l’objet de post-traitements tels que la séparation de phase (phase liquide/phase solide), voire le compostage.

Le cadre réglementaire

Dans la nomenclature des installations classées, les unités sont classées dans deux rubriques, selon la nature des matières premières utilisées :

  • en 2781-1 pour les matières végétales d’origine agricole ou issues d’industries agro-alimentaires et des déchets d’élevage (effluents, matières stercoraires et lactosérum). A noter, qu’en France, les cultures principales ne peuvent pas représenter plus de 15 % du volume entrant,
  • en 2781-2 pour toutes les autres matières premières (effluents industriels, graisses de restauration, biodéchets ou boues de station d’épuration).

Selon le tonnage journalier entrant, les installations sont classées :

  • en Déclaration (inférieur à 30 t/j et uniquement pour les 2781-1),
  • en Enregistrement (inférieur à 100 t/j),
  • en Autorisation (plus de 100 t/j).

Les statuts du digestat

Un plan d’épandage doit être présenté en annexe de tous les projets. Pour les unités classées en 2781-2, celui-ci doit prévoir une surveillance spécifique des terres (pH>6 et suivi des parcelles de référence). 

Il est cependant possible de s’affranchir de ce plan d’épandage, conformément au Code Rural (article L255-12) si :

  • le digestat répond à un Règlement de l’union européenne qui lui permet une circulation libre dans l’espace européen; très peu de digestats sont éligibles au vu des critères exigés;
  • le digestat fait l’objet d’une autorisation de mise sur le marché, délivrée par l’ANSES, pour 10 ans; seuls 13 digestats bénéficient d’une telle autorisation en France, à l’heure actuelle, dont le « Méthafertil » produit par Agrivalor Energie à Ribeauvillé;
  • le digestat est d’origine agricole et répond au cahier des charges dit « CdC Dig », défini par arrêté du 22 octobre 2020; la part d’effluents d’élevage dans la soupe doit alors être supérieure à 33 % de la masse brute. Les produits agricoles (matières végétales et effluents d’élevage) doivent représenter plus de 60 % de la masse brute. Le digestat doit être exclusivement valorisé soit en grandes cultures soit sur prairies et cédé directement par l’installation aux utilisateurs. Les unités agricoles du Haut-Rhin, rentrent ou devraient pouvoir rentrer dans ce cadre;
  • le digestat est composté et répond à une norme AFNOR NF U44. Dans ce cas, il est cependant maintenu sous statut de déchet.

L'intérêt agronomique du digestat

Il varie selon les matières premières entrantes et les post-traitements réalisés.

Le digestat brut liquide est un fertilisant relativement équilibré. Il apporte principalement de l’azote, mais également de la potasse et du phosphore en quantités intéressantes. Son usage doit être raisonné essentiellement sur la fertilisation azotée. A noter, qu’il est nécessaire d’enfouir très rapidement le digestat liquide pour limiter les pertes d’ammoniac (généralement 50 % de l’azote total) par volatilisation. 

La phase solide, elle, constitue un amendement organique plutôt stable, riche en potasse et en phosphore. Son apport doit davantage être raisonné comme une fumure de fond.

Localisation des unités de méthanisation dans le Haut-Rhin

Les unités dans le Haut-Rhin

La Région Grand Est est celle qui compte le plus grand nombre d’installations en France. Le Haut-Rhin en est cependant un contributeur modeste, avec seulement une dizaine d’installations en activité ou en cours de construction. Les installations y sont, en revanche, de natures très variées.

  • 3 unités traitent, depuis les années 2000, des effluents urbains et/ou industriels et sont adossées à des stations de traitement des eaux usées : Issenheim, Village Neuf et DS Smith Paper. Depuis 2023, une unité est également en fonctionnement à la station de Sausheim. L’objectif de ces unités, outre la production de biogaz, est soit de réduire les volumes de boues, soit d’améliorer les niveaux de rejet (DCO).
  • 1 unité territoriale, prenant en charge des biodéchets issus de collecte sélective, est en fonctionnement à Ribeauvillé depuis 2012. 
  • La 1ère unité agricole date de 2014 (SAS Quentlou à Moernach). 3 autres sont en production depuis le début des années 2020 (Jetzagaz et Hoplagaz près de Dannemarie et M’TA à Ungersheim). 
  • 1 nouvelle unité est en cours de construction à Issenheim (Seppi Gaz) et devrait entrer en fonctionnement début 2025.

Les points de vigilance

Plusieurs points de vigilance en matière d’investissements et de modalités de mise en œuvre sont à prendre en compte :

  • diversification des rotations culturales et accroissement des capacités de stockage des digestats, parfois déportées, nécessaires à une bonne gestion des épandages ;
  • épandages au plus près des besoins de la culture, prise en compte de la nature des sols et respect des périodes d’épandages imposées par la Directive Nitrate, indispensables pour maîtriser le risque de lessivage des nitrates ;
  • utilisation de pendillards, voire de dispositifs d’enfouissement, conseillés pour mieux valoriser l’azote et maîtriser le risque de volatilisation de l’ammoniac.
Epandage de digestats liquides avec pendillards

L’examen des superpositions de plans d’épandage avec les autres PRO déjà épandus sur le territoire devra, dans certaines situations, conduire à un dialogue avec les porteurs de projets et les agriculteurs utilisateurs, pour les sensibiliser aux enjeux locaux.

Des règles locales de superposition devront être proposées sur les secteurs les plus tendus, notamment pour respecter l’équilibre de la fertilisation.

Ces deux derniers axes de travail seront indispensables à la pérennité des filières dans certains secteurs et devront être suivi dans tous les cas, que les digestats soient épandus sous plan d’épandage ou non.