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"Œuvrer dans l'intérêt collectif et dans le respect de l'agriculture et de l'environnement"

Article paru dans les cahiers d’administration du Haut-Rhin en juillet 2024.

Entretien avec Daniel Adrian, Président du Syndicat Mixte Recyclage Agricole du Haut-Rhin, Conseiller d’Alsace, canton de Brunstatt Didenheim

Afin de préserver la qualité des patrimoines sols et eau, le SMRA68 assure une vigilance permanente sur la valorisation en agriculture de matières fertilisantes d’origine résiduaires, urbaines et industrielles.

Daniel Adrian, Président du SMRA68

En préambule, pouvez-vous expliquer ce qu’est le SMRA68, ses domaines de compétences et ses moyens ?

Le SMRA68 est un Etablissement Public Administratif depuis 2008. Il regroupe la Collectivité européenne d’Alsace et des collectivités haut-rhinoises adhérentes, ayant compétence en matière d’assainissement, de traitement des déchets ménagers ou d’unités énergétiques générant des résidus épandables en agriculture. Le SMRA68 est également désigné Organisme Indépendant du producteur de boues (OI), c’est-à-dire expert pour le compte du préfet et de ses services. Son activité relevant de l’intérêt général, il est légitime qu’il soit porté par une collectivité. C’est cependant une spécificité haut-rhinoise car, dans les autres départements, l’OI est généralement porté par la Chambre d’Agriculture.

Afin de garantir sa nécessaire indépendance par rapport aux producteurs de boues, le SMRA68 est aussi financé par deux de ses principaux partenaires que sont la CeA et l’Agence de l’Eau Rhin Meuse. Pour ce même motif, la présidence du Syndicat revient statutairement à un Conseiller d’Alsace.

Le SMRA68 est administré par un Comité Syndical, composé des représentants des 22 collectivités adhérentes, dont la Collectivité européenne d’Alsace. Dix industriels, recyclant des effluents en agriculture et conventionnés avec le SMRA68, y participent activement, l’Agence de l’eau Rhin-Meuse et la Chambre d’Agriculture d’Alsace y sont associés à titre consultatif. Ils n’ont pas voix délibérative. Un Bureau de 6 élus assure la gestion courante du Syndicat.

Pour ses missions, le SMRA68 s’appuie sur une équipe expérimentée et polyvalente, composée de 5 agents, dont 4 ingénieurs agronomes et 1 administratif.

Conseil et assistance aux producteurs et expertise des filières sont les deux principales missions du SMRA68.
Quels en sont les objectifs, actions et domaines d’intervention ?

Son domaine d’intervention principal est le retour au sol, à l’échelle du Haut-Rhin, de différentes matières fertilisantes d’origine résiduaire, urbaines et industrielles (boues de stations d’épuration, composts de boues ou de déchets verts, digestats de méthanisation, cendres de chaufferies biomasse et autres (effluents industriels).
Les objectifs du SMRA68 consistent à pérenniser la valorisation en agriculture de ces produits résiduaires tout en garantissant des épandages conformes aux exigences réglementaires et agronomiques.

Concrètement, le SMRA68 :

  • conseille dans leurs pratiques les producteurs d’une cinquantaine de produits résiduaires et les 200 agriculteurs qui les utilisent annuellement,
  • vérifie la qualité des produits qui sont épandus, en particulier par des prélèvements, et s’assure du respect de la traçabilité, depuis la production jusqu’aux parcelles agricoles,
  • favorise la concertation et la synergie entre les acteurs de la filière, notamment par l’animation de groupes de travaux thématiques,
  • collecte l’ensemble des données relatives aux épandages et en effectue une synthèse annuelle puis les archive,
  • acquiert des connaissances techniques et scientifiques, en menant des essais de plein champ pour évaluer l’impact des épandages.

Les boues et autres effluents contiennent des éléments nutritifs pouvant être réutilisés dans les champs à la place des intrants chimiques. Leur valorisation doit cependant se faire de manière réfléchie.
A quels enjeux et problématiques devez-vous répondre et quelles réponses pouvez-vous apporter ?

Nous nous attachons à prendre en compte à la fois les enjeux environnementaux, économiques et sociétaux. Nous contribuons à l’économie circulaire par la valorisation de ces matières, mais pas à n’importe quel prix ! Certaines précautions sont incontournables. Nous nous devons ainsi de préserver les patrimoines sols et eau, supports de la chaine alimentaire, en évaluant systématiquement le risque. Nous devons également agir dans le respect de l’agriculture et de l’environnement et assurer une traçabilité maximale. Nous misons sur la proximité et l’autonomie locale. Nous devons enfin nous conformer aux exigences règlementaires inhérentes à ces filières très encadrées. Des règles locales supplémentaires sont toutefois garantes d’une bonne adéquation avec le territoire et d’une meilleure acceptation par la population, du fait de contraintes spécifiques (épandages en zones densément peuplées, protection de la nappe phréatique, etc.).

Pourriez-vous revenir sur « l’acceptation sociale » de cette filière mal connue et qui pourtant nous concerne tous ?

Les boues, et les déchets en général, pâtissent d’une connotation négative, voire d’un total désintérêt. Il est donc important de sensibiliser le citoyen, à tout âge et en tant que « consom’acteur », en lui expliquant simplement les choses. C’est pourquoi le SMRA68 anime, de longue date, une campagne d’information renommée L’Echo des Boues en 2023. De dimension départementale, elle associe une dizaine de partenaires, tous impliqués dans le recyclage agricole local. Son but : faire connaître la filière et ses enjeux, sensibiliser sur sa nécessité et souligner son sérieux et faire aussi comprendre le rôle clé de l’agriculture, au service de la société et de l’environnement. Elle aborde aussi bien des sujets généraux, tels que les gestes écocitoyens, que des domaines très techniques, axés sur la qualité des pratiques et du suivi réalisé. Elle évoque aussi les nuisances inhérentes, en toute transparence, et les améliorations encore possibles.

Sur quels sujets d’actualité travaillez vous en ce moment ?

La première actualité va de pair avec les objectifs gouvernementaux de développement des énergies « vertes », produites notamment par des unités de méthanisation. Mais on oublie trop souvent que, si la méthanisation produit du gaz, elle est aussi à l’origine d’un résidu, le digestat. Riche en éléments fertilisants, il a toute sa place en agriculture mais il entre en concurrence avec d’autres produits résiduaires sur certains secteurs. C’est alors notre rôle de faire en sorte que chacun trouve sa place et coexiste au niveau du territoire, via la concertation et l’animation locale. Par ailleurs, la veille réglementaire mobilise l’équipe de façon importante depuis 2020. Après la mise en application du principe de précaution dans le cadre de la pandémie de Covid-19 et le recours systématique au compostage préalable à l’épandage des boues, le SMRA68 examine aujourd’hui l’impact du projet de textes dit «Socle Commun». 
Ces textes visent à encadrer de façon plus harmonisée l’innocuité et l’efficacité de l’ensemble des matières proposées aux agriculteurs pour fertiliser leurs cultures. En préparation depuis plusieurs années, ce projet ambitionne de surveiller de nouveaux critères d’innocuité et propose de définir des critères agronomiques minimum. Si le SMRA68 informe les acteurs locaux sur ces évolutions à venir pour leur permettre d’anticiper, il alerte également les ministères sur les points de blocages, éléments chiffrés à l’appui. Il apporte ainsi son expertise en évaluant l’impact du projet par rapport à la réalité du terrain. Le SMRA68 supervise ainsi l’utilisation des boues et autres produits résiduaires haut-rhinois, et cherche à valoriser durablement des ressources locales dans un contexte économique de plus en plus difficile. Par nos actions, nous contribuons aussi activement, à notre échelle, à la lutte contre le réchauffement climatique via la séquestration de carbone dans le sol.